Quand le parisien attaquait the parisienne en contrefaçon

Quand « Le Parisien » attaquait « The parisienne » en contrefaçon

Retour sur l’affaire qui a déchaîné les passions sur Internet fin août. Mais où les aspects juridiques ont été éludés, et beaucoup d’idées balancées sous le coup de la colère.

La blogueuse avait-elle vraiment de quoi être inquiétée ?
Ou bien a-t-elle manipulé les réseaux sociaux ? Et si oui, dans quel but ?

 

EDIT du 7 septembre, 22h45 : une affaire similaire démarre à Lyon.
Le magazine Lyon Capitale met en demeure « Lyonnes Magazine » de de cesser toute utilisation de la dénomination « Lyonnes ».
La raison ? leur ancien supplément mode, paru il y a quelques années et très vite arrêté, portait le nom de « Lyon’ne ». (source : page Facebook et compte Twitter).

 

 

Affaire « The Parisienne » : les faits

Je ne m’étendrai pas sur le lancement de l’affaire, bien résumé par Korben qui fut un des premiers à consacrer un article au sujet.

Rapidement pour resituer le contexte :

Nathalie Zaouati tient depuis 2009 ans le blog « The Parisienne ». Elle y fait partager son amour de la capitale : balades, restos, shopping, culture, etc.

Mais le 25 août dernier, les tweets affluent : le journal « Le Parisien » assigne Nathalie pour contrefaçon, au motif que son URL porte atteinte à l’une de ses marques. En effet, le Journal publie dans son édition en ligne un supplément féminin qui s’appelle « la parisienne« . Un titre enregistré comme marque en 2008.

Une antériorité qui confère donc au « Parisien » la qualité à agir en contrefaçon.

Outre le transfert de son URL en pleine propriété, le journal entend voir la blogueuse condamnée à 20 000 € de dommages et intérêts.

 

Les réactions enflammées des réseaux sociaux

S’ensuit en quelques heures un déluge de tweets enflammés, un torrent de commentaires passionnés, et une pluie d’articles. Tous écrits sous le coup d’une indignation et d’une incompréhension sincères.

327 commentaires en une semaine, rien que sur la page de l’article détaillant l’histoire), et des milliers de tweets avec la mention #jesuisparisienne.

Les mots ne manquent pas !
Des mots doux pour The parisienne, des mots très durs et des noms d’oiseaux tropicaux pour le journal.
La colère des internautes est viscérale, palpable.

Dans le même temps, des blogs influents commencent à relayer largement l’affaire, vite repris par les grands médias :

– Blog d’Axenet
– Numerama
– Le Nouvel Observateur
– Rue 89

La liste complète des articles rédigés sur ce sujet est disponible à la fin de l’article de The Parisienne.

 

Une attaque disproportionnée

Ce qui choque les internautes, c’est avant tout la brutalité de l’information, et la disproportion entre un préjudice qui n’était pas établi pour le journal, et les 20 000 € réclamés en dommages et intérêts.

Si « Le Parisien » s’était « simplement » contenté de demander l’abandon ou le transfert de l’URL theparisienne.fr, l’affaire n’aurait sans doute pas connu un tel retentissement.

On se demande d’où sort ce chiffre, car on imagine mal que le blog « The Parisienne » ait pu causer une quelconque baisse des ventes du journal « Le Parisien ». En tout cas pas à hauteur de 20 000 €…

Et quand bien même, c’est plutôt les fondements de la concurrence déloyale ou du parasitisme économique qui auraient trouvé à s’appliquer. Mais le journal aurait alors été bien en peine de démontrer :

  1. La faute commise par « The parisienne »,
  2. Le préjudice commercial subi par le journal,
  3. Et surtout, un lien de cause à effet entre les deux.

C’est sans doute pourquoi Le Parisien a choisi la voie de la contrefaçon, qui est un délit « objectif », constitué par le seul risque de confusion. Indépendamment de toute volonté de profiter de la notoriété de la marque « Le Parisien ».

 

Le silence incompréhensible du journal

Alors qu’Internet se déchaîne, Le Parisien brille par son absence de réaction., malgré les interpellations des internautes sur Twitter, aucune réaction officielle du côté du journal. A part quelques tweets discrets du Community Manager de @Le_Parisien, visiblement un peu dépassé, en réponse à certains internautes :

le-parisien_2

Silence gênant pour les internautes… et sans doute gêné pour le journal.

Le lendemain (26 août), en fin de journée, un article paraît sur le blog du Monde, donnant la position du DG du journal : « notre démarche était amiable au départ ».

Dans cet article, Jean Hornain justifie sa position. Et sème un instant le trouble chez les internautes.

Il prétend que « The parisienne » entendait déposer sa marque. Petit moment de stupeur, où chacun se demande si la blogueuse nous a bien tout dit… si elle ne nous nous a pas manipulés pour se faire de la publicité.
D’autant que cet article nous apprend qu’elle a créé une agence de communication. Elle n’est donc pas la « simple blogueuse » qu’on nous a présenté, mais une professionnelle. Bad Buzz à l’horizon…

Mais dans la soirée, The parisienne modifie son article et assure n’avoir jamais déposé cette marque.

Le surlendemain (27 août), un tweet discret de Jean Hornain nous confirme qu’il suit l’affaire :

le-parisien_4

Pas si méchant, mais quand même un peu procédurier ?

A ce stade, on n’en sait pas plus (voir les rebondissements en conclusion). Mais on a bon espoir qu’une solution amiable puisse être trouvée rapidement..

 

Les questions juridiques qui se posent

Indépendamment du fond de l’affaire qui a révolté tout le monde,Quelques points juridiques intéressants ont soulevés par les internautes dans leurs commentaires.

Car chacun, avec ses mots, ses connaissances, son indignation, en tout cas avec sa sincérité… y est allé de ses conseils ou de ses encouragements.
Ce bel élan de spontanéité avait quelque chose de rassurant, de positivement fédérateur. Une certaine foi dans l’humanité qui a fait du bien.

J’ai commencé par répondre à certains, mais plutôt que me disperser, j’ai préféré prendre un peu de recul.
Pour compiler les points intéressants, me documenter, et prendre le temps d’y répondre ici.

Même si aujourd’hui tout le monde est déjà passé à autre chose.
Foutues passions…

 

1. Peut-on enregistrer un mot du langage courant ?

Beaucoup d’internautes se sont demandé ce qui après tout, permettait au journal « Le Parisien » de s’approprier le nom des habitants de Paris.

Juridiquement, cela pose la question de la validité de la marque, au niveau de son caractère distinctif.

N’en déplaise à ces commentateurs, enregistrer comme marque un nom courant est tout à fait possible… et même fréquent ! Du moment que ce mot ne se limite pas à l’appellation usuelle du produit ou du service, ou lié à sa fonction.
Par exemple vous ne pouvez pas déposer les marques « Pizza » ou « Plomberie » seuls, si vous ouvrez un restaurant ou une entreprise de plomberie.

Ces mots ne peuvent être valables à titre de marque que s’ils sont accolés à un ou plusieurs autres mots. C’est alors qu’ils deviennent distinctifs.

 

Ensuite s’applique le principe de spécialité : les limitations évoquées ci-dessus ne sont valables que dans la classe dans laquelle la marque est enregistrée.
L’exemple couramment donné est celui de la marque « Apple », qui n’aurait pas pu être déposée dans la classe liée aux activités agricoles.
Autres exemples souvent cités : les marques « Le monde », « Gitanes », « Orange », etc., qui bien qu’utilisées dans le langage courant, constituent dans leurs classes des marques valables.

Dans le cas du Parisien, ces conditions sont parfaitement respectées, et la marque est indiscutablement valable.

 

2. Contre-attaquer en demandant la nullité de la marque « Le parisien » ?

Dans la foulée de l’argument précédent, plusieurs commentaires suggéraient à « The Parisienne » de contre-attaquer, par une action en nullité contre la marque « Le Parisien ». Et de citer en exemple l’arrêt vente-privée, marque annulée sur demande du site ShowroomPrivé.

Dans l’absolu, l’idée de cette contre-attaque pouvait être bonne. Pour qui avait du temps à perdre, et les moyens. Sauf que… quoiqu’on en pense, la nullité de la marque

  • ne peut être demandée que par le titulaire d’une marque enregistrée antérieurement, et qui bénéficie d’un intérêt légitime à agir contre une marque nouvellement créée. N’importe qui ne peut pas demander la nullité d’une marque s’il n’a pas qualité à agir.
  • est prescrite dans un délai de 5 ans suivant l’enregistrement de la marque postérieure (art 714-4 du Code de la Propriété Intellectuelle)

 

3. Payer des droits chaque fois qu’on parle des Parisiens ?

Commentaire : « Alors chaque fois qu’on écrit le mot « parisien », il faudrait leur verser des droits car ils s’estiment propriétaires du mot ?! Ils ont trop fumé, eux !… »

J’ai bien ri, merci.

Non, le droit des marques ne s’applique qu’aux professionnels, pas aux particuliers. Il suppose de tirer une activité commerciale de l’utilisation d’une marque ou d’une dénomination commerciale.

 

4. La course à pied féminine « La parisienne » est-elle menacée aussi ?

Je n’ai pas eu la curiosité d’aller voir si la marque était enregistrée. Que ce soit le cas ou non, ça ne changerait pas grand-chose.

Si c’est le cas, j’imagine que le nom d’une course à pied n’est pas déposé dans les mêmes classes qu’un journal ! Encore que les titulaires ont pu déposer la marque et vouloir commercialiser des produits similaires (brochures d’informations). A vérifier bien sûr, mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui.

 

5. Pourquoi « Le Parisien » n’attaque pas Fleury Michon ?

La marque de charcuterie commercialise une gamme de jambon, sous l’appellation « Le Parisien ».

Fleury-Michon et sa amrque de jambon "Le Parisien"

Risque de confusion entre un journal et un jambon ? – cas n°1

 

Fleury Michon le Torchon

Risque de confusion entre un journal et un jambon ? – cas n°2

Là non plus, je ne prends pas le temps d’aller vérifier, ce n’est pas vraiment l’objet de cet article. Mais j’imagine que les deux marques sont enregistrées dans des classes différentes. Elles peuvent donc cohabiter, sans risque de confusion pour le public, qui soit de nature à caractériser la contrefaçon.

 

5 bis. Et les boulangeries qui vendent des sandwiches « Le Parisien » ?

Pareil. Principe de spécialité, et aucun risque de confusion.

 

6. Un nom de domaine peut-il représenter une contrefaçon de marque ?

Toujours dans les commentaires : « theparisienne.fr est un nom de domaine et non une marque, donc aucune action en contrefaçon n’est possible ».

Faux. Même si leur nature et leur régime juridique sont différents, un nom de domaine peut très bien être attaqué, s’il porte atteinte à une marque régulièrement enregistrée.
Cette dernière a toute légitimité à revendiquer une URL susceptible de créer une confusion dans l’esprit du public.

D’autant plus que contrairement à une idée malheureusement très répandue, on n’est pas véritablement propriétaire d’un nom de domaine, mais seulement titulaire d’un droit d’usage sur celui-ci…

Le législateur et la jurisprudence sont d’ailleurs intervenus dans les cas de typosquatting (enregistrement de noms de domaine avec une orthographe proche) et de cybersquatting (enregistrement d’un nom de domaine par un tiers, quand par négligence ou oubli, son titulaire initial n’a pas pensé à l’enregistrer ou à le renouveler).

 

Toi aussi, amuse-toi avec « Le Parisien » !

Dans un jugement rendu le 14 mars 2007, le TGI de Paris a condamné le journal, qui avait déposé les marques Paris 2016, Paris 2020, Paris 2024 et Paris 2028, et enregistré les noms de domaine éponyme en .fr et .com.
« Le Parisien » a été condamné pour dépôt frauduleux de marques, enregistrement frauduleux de noms de domaine et contrefaçon de marque, ces noms de domaines étant réservés pour les JO.

Source : Site de l’avocate Murielle Cahen

7. « The parisienne » doit-elle être excusée par sa bonne foi ?

Même si celle-ci était prouvée, la bonne foi est indifférente en matière de contrefaçon, qui est un délit « objectif », caractérisé par les seuls faits qui la constituent : reproduction, imitation, apposition de la marque…

La bonne foi ne peut jouer (en défense) que dans le cadre d’une action en concurrence déloyale, ou de parasitisme économique.

 

8. Un complot des juges contre les internautes ?

Quelques commentaires dénonçaient une croisade des juges contre Internet, le développement de la censure, etc.
Certains faisaient la comparaison avec d’autres affaires similaires ces dernières années.
Je ne les détaillerai pas ici, chacune a ses spécificités, qu’il serait un peu long de détailler pour comparer.

– L’affaire « Milka » en 2005, sur le site de l’avocat blogueur Maître Eolas.

– L’affaire « Madame Figaro » en 2012, parfaitement détaillée sur le blog du communicant, et dans un article du Nouvel Observateur.

– L’affaire « l’irrégulière », dont j’ai déjà parlé ici.
En effet, plusieurs commentaires faisaient l’amalgame avec cette affaire très récente, où une blogueuse culinaire fut condamnée pour une critique virulente contre un restaurant du Cap-Ferret.

Rien à voir, les deux affaires sont radicalement différentes.

  • Dans le cas de « l’irrégulière », les fondements invoqués étaient ceux du dénigrement (appel au boycott) qui est mal défini mais appliqué plus généralement lorsqu’il touche à des considérations d’ordre ethnique, religieuses, etc. Cette affaire relevait de l’ordre de la responsabilité civile.
  • Dans l’affaire « The parisienne », on parle de contrefaçon de marque. C’est le terrain de la Propriété intellectuelle, régie par le Code du même nom.

Ce ne sont pas les mêmes infractions, même si les sanctions peuvent s’avérer identiques (dommages et intérêts).

Quant aux complotistes, rassurez-vous : il n’y a pas de complot des juges contre les blogs ou contre la liberté d’expression sur Internet…
Peut-être parfois une certaine méconnaissance des spécificités d’Internet. Mais surtout, un retard considérable de la Loi sur les problématiques Internet, et une inadaptation de la législation existante.

 

9. Contre-attaquer pour procédure abusive ?

Dans l’absolu, rien d’impossible. La jurisprudence reconnaît qu’une procédure judiciaire peut constituer un abus de droit. Cependant, elle exige que soit démontrée l’intention de nuire, pour appliquer les principes de la responsabilité civile.

Mais quoiqu’on en pense, une marque a (a priori) toute légitimité à défendre ses intérêts, si elle estime qu’ils sont menacés.
C’est seulement ce point qui est discutable dans l’affaire « The parisienne ».

 

10. Attaquer « Le Parisien » pour nuisances morales ?

Comme je l’ai déjà dit dans les points précédents, « le Parisien » avait un intérêt légitime à agir, s’il estimait (et parvenait à prouver) que sa marque était menacée.
Sauf à contre-attaquer pour abus de droit d’agir en justice.

En dehors de ça, de quel préjudices « The parisienne » peut-elle se prévaloir ?

  • Préjudice matériel ?

On pense évidemment aux frais d’avocat si elle en a consulté un.

Sûrement aussi une perte de temps, préjudiciable à son activité professionnelle. Un préjudice chiffrable sans difficulté s’il est démontré.

Le temps passé sur les réseaux sociaux, et à modifier son article n’entreraient sans doute pas en ligne de compte.
Ils font partie d’une « stratégie médiatique » qui n’était pas indispensable à sa défense juridique, s’il devait y en avoir une devant les tribunaux.

A part ça, pas de réponse particulière aux messages de soutien et de conseils.  Juste quelques modifications (edit) de son article.

Mais peut-être lui a-t-on sagement recommandé une certaine discrétion. Ce qui expliquerait qu’un accord amiable prenne autant de temps à être trouvé ? L’affaire ne paraît somme toute pas si compliquée, si l’on s’en tient aux faits portés à notre connaissance…

  • Préjudice moral ?

Des nuits blanches sans doute, des soucis aussi. C’est pas tous les jours qu’on est menacé de perdre son blog, fruit de 5 ans de travail, et 20 000 € !

Mais peut-on penser que Nathalie Zaouati a été atteinte, dans son honneur ou sa réputation ? On peut penser que non. Car Le Parisien a fait preuve d’une discrétion extrême sur les réseaux et dans les médias. Ce qu’on lui a largement reproché. Mais qui lui a évité tout débordement impulsif, toute accusation publique, type diffamation ou injure.

En attendant, quelle publicité pour le blog « The parisenne » ! Et tous ces soutiens venus des 4 coins de la France (qui en compte d’ailleurs 6, comme tout Hexagone… fichues expressions). Et même au-delà (Belgique) !

Beaucoup de justiciables aimeraient en avoir autant… Sans compter un pic de fréquentation dans ses statistiques, qui ferait frémir n’importe quel webmaster ou webmarketer…

Et publicité pour elle, un sacré paquet de nouveaux contacts. Communicants, juristes, blogueurs plus ou moins influents, médias… Autant dire, d’excellents points de relais possibles pour l’avenir !

 

Alors bien sûr, en étant imaginatif et créatif, le préjudice moral ça peut se tenter.
Avec un bon avocat.
Mais pour ça, il faut aller en justice, sans passer par la case accord amiable.

 

11. Attaquer « Le Parisien » pour dégradation de l’image de la ville de Paris ?

(Dans le même commentaire que le précédent point, sans blaguer)

Bah voyons. Et pour sa responsabilité dans les embouteillages, la pollution, le mauvais temps ?

 

12. Méchant puissant journal, contre gentille petite blogueuse

Cette indignation ressort de la plupart des commentaires. Le grand groupe de presse contre la petite blogueuse sans défense.

Mais sans préjuger du fond de l’affaire, on ne peut pas reprocher à une marque de vouloir défendre ses intérêts, lorsque cela est justifié. Le droit de la Propriété intellectuelle existe, et encadre les activités commerciales des entreprises.

La tenue d’un blog par un particulier échappe donc à ce principe, tant qu’il ne constitue pas une activité commerciale.

Reste donc à savoir si Nathalie Zaouati utilise cette appellation à des fins commerciales. A priori non, d’autant plus que son blog n’est pas monétisé (pas de bannières de publicité, juste un encart de partenariat avec L’Express pour la promotion de livres).

En tout état de cause, et même si Nathalie Zaouati est par ailleurs une professionnelle de la communication, son blog est personnel. Je ne pense pas qu’elle en tire des revenus publicitaires conséquents. Sauf peut-être depuis le début de cette affaire. Et sûrement bien loin d’un chiffre comparable aux 20 000 € demandés par le journal !

 

13. Une atteinte à la liberté d’expression ?

Personnellement, c’est l’utilisation de cet argument qui m’a décidé à ne pas signer la pétition de soutien à « The parisienne ».
(Enfin ça, et la phrase « parisienne est un nom commun qui ne peut être la propriété d’une société », ce qui relève d’une ignorance totale de la loi, comme expliqué dans le point 1.)

Parce que faut quand même pas déconner… Le droit de s’exprimer n’est pas menacé par cette affaire !

Au contraire, Nathalie Zaouati a pu TOUT dire (et laisser dire) sur cette affaire, aussi bien sur son site que sur les réseaux sociaux.
Dans les commentaires, chaque internaute a pu donner son avis librement, et d’ailleurs un grand nombre d’entre eux pourraient être assimilés à de la diffamation ou à des injures publiques

 

14. Appeler à boycotter le journal ?

Evidemment, beaucoup d’internautes écoeurés ont proposé cette solution, pour signifier leur mécontentement au journal.

Sauf que l’appel au boycott, même s’il est mal défini juridiquement, reste assimilable par la jurisprudence à un acte de dénigrement commercial, relevant de la responsabilité civile. Ce fondement est celui qui avait été retenu dans l’affaire « l’irrégulière ».

Boycotter le journal relève du libre choix de chacun. Mais l’appel public au boycott n’est pas permis.

 

Et la contrefaçon dans tout ça ?

Si elle n’avait pas fait l’autruche suite aux menaces du journal, si elle s’était entourée à temps des conseils d’un bon avocat en propriété intellectuelle, il est à peu près certain que « The parisienne » aurait gagné cette affaire. Ce qu’explique très bien un avocat dans cet article.

Car la reconnaissance de la contrefaçon dont le journal l’accuse est conditionnée par la démonstration d’un risque de confusion dans l’esprit du public.

En l’occurrence, la charge de la preuve aurait alors incombé au journal. « Le Parisien » aurait du prouver l’existence de ce risque de confusion, c’est-à-dire démontrer que le blog « The parisienne » était de nature à induire les lecteurs du journal en erreur.

Objectivement, quelles chances y a-t-il que le lecteur moyen du « Parisien » confonde une rubrique de son journal préféré avec un blog féminin ?

Ce serait vraiment prendre les gens pour des cons.
Et ça, on sait bien que ça n’arriverait jamais avec un journal de qualité, hein ?

 

CONCLUSION… et rebondissements !

Au jour où je termine enfin cet article (4 septembre), l’affaire n’est pas finie…

Mais pour beaucoup, celle des stars qui se sont fait hacker leurs photos intimes sur un Cloud est devenue plus importante. Puis le livre de Valérie Trierweiler.

25 août – 4 septembre. Comme une histoire d’amour en été, les passions sont vite oubliées…

 

1. Une nouvelle illustration de « l’effet Streisand  » ?

Bien connu des blogueurs, hantise des Community Managers, ce terme est tiré d’une affaire qui relevait d’un autre terrain juridique, celui de la vie privée.

Depuis, l’effet Streisand sert à désigner la surmédiatisation et le « Bad Buzz » produits par un fait anodin qui aurait pu rester ignoré du public. Mais qui se retrouve amplifié et médiatisé par la faute de celui qui fait tout pour le cacher, et se retourne contre lui.

Ce n’est pas tout à fait le cas dans l’affaire « The parisienne ». Le journal n’a rien fait de spécial pour minimiser son action ou étouffer l’affaire. Il a suivi la procédure normale pour une action en contrefaçon.

Ce qu’on peut lui reprocher, c’est la disproportion de l’attaque, et son absence de réaction à l’incompréhension et aux interpellations des internautes.

La mauvaise gestion du « Bad buzz »

Professionnels de la communication, des réseaux sociaux, médias, particuliers… De façon unanime, chacun déplore cette mauvaise gestion de l’affaire par Le Parisien.

Une absence totale de communication incompréhensible. Sauf à considérer que face à la vindicte populaire, « Le Parisien » n’a pas souhaité rentrer dans la surenchère au niveau des réseaux, et utiliser les voies normales pour le règlement de ce genre de litiges. Un choix dangereux en 2014…

Aujourd’hui, après un moment de flottement, les discussions semblent établies entre « The parisienne » et « Le Parisien ».

Difficultés de communication entre Le Parisien et The parisienne

Allô Houston ? on a un… Pardon ? Non je disais : allô Houston ? …

Et finalement, le 3 septembre :

le-parisien_8

 

2. Le rôle de l’affectif

Comme le soulignait déjà Maître Eolas dans son article sur l’affaire Milka, dans ce genre d’affaires : « l’affectif est passé au premier plan, devant la raison et la simple recherche d’information ». On prend facilement parti pour la blogueuse isolée et persécutée, contre un groupe de presse qui a les ressources humaines, juridiques et financières pour livrer ce genre de combat.

Personnellement, je pense aussi que la compassion a beaucoup joué. Car dans son article, Nathalie Zaouati commence par rappeler le contexte de création de son blog, suite à une maladie.

On ne peut pas penser une seconde qu’elle ait utilisé cet argument sciemment pour s’attirer la compassion des internautes.

Mais malgré tout, cet aspect a certainement contribué, dans l’inconscient collectif, à amplifier le rapport de forces entre un « méchant puissant Journal » et une « gentille petite blogueuse ».

 

3. « The parisienne » s’apprêtait-elle à déposer sa marque ?

C’était l’un des arguments avancés par M. Hornain, le DG du Parisien, dans l’article du Monde.
Si tel avait été le cas, les choses auraient été un peu différentes.

Mais « The parisienne » a répondu en modifiant son article, pour démentir formellement ce point. Elle y affirme que les seules marques qu’elle avait déposé, c’était pour le compte de ses clients.

Sur son blog, l’agence AxeNet (qui fut aussi une des premières à relater l’affaire) fait quelques recherches complémentaires, et tombe sur une marque déposée par Nathalie Zaouati à l’INPI en 2013 : « e-Parisiennes ».

L’auteur de l’article s’interroge (edit 5), et souligne à juste titre que ce n’est pas cette marque qui est visée par l’assignation du Parisien, mais l’URL « theparisienne.fr ».

Enregistrement de la marque "e-parisiennes" par Nathalie Zaouati.

Enregistrement de la marque « e-parisiennes » par Nathalie Zaouati. Source : Axenet

Il n’en faut pas plus pour que naisse une thèse complotiste (voir points 6 et 7).

 

4. La légèreté de « The parisienne »

Dans son article, Nathalie Zaouati passe un peu vite sur les démarches « amiables » initiées par le Journal (mise en demeure, puis mail et un courrier avec accusé de réception de la part de la direction juridique du Parisien), avant cette assignation qui a mis le feu aux poudres.

Quoiqu’on en pense sur le fond, la procédure a été respectée. On peut donc reprocher à la blogueuse d’avoir fait preuve de légèreté, face aux menaces du journal.

Qui plus est, fondatrice et directrice d’une agence de communication, elle s’était a priori familiarisée avec le droit des marques pour le compte de ses clients. Notamment avec l’enregistrement de sa propre marque « e-Parisiennes ».

Elle devait donc réaliser que la menace (fondée ou non, là n’est pas le propos), était tout à fait sérieuse.

 

5. Pourquoi avoir attendu 3 mois avant de mobiliser les internautes ?

Dans son article, Nathalie Zaouati indique clairement avoir reçu cette assignation en mai, et avoir engagé un avocat dans la foulée.

Le 2 septembre, un internaute ressort d’ailleurs un tweet datant du 19 mai 2014, où @zeparisienne demandait conseil à l’avocat Maitre Eolas :

Un twittos retrouve un tweet de zeparisienne demande conseil à l'avocat Maître Eolas

On est donc en droit de penser qu’elle avait pris conscience dès le mois de mai de la menace qui pesait sur son blog, et qu’elle devait se faire conseiller.

Alors pourquoi avoir attendu le 25 août (soit 3 mois après l’assignation) pour publier l’article qui allait créer le buzz ?

Pourquoi ne pas avoir laissé les avocats faire leur travail, et la justice suivre son cours ? Puisqu’en étant bien représentée, elle avait assurément toutes les chances de gagner

 

6. Légèreté, ou froide manipulation des réseaux ?

Les jours passant, les informations se succédant, le doute commence à planer.

Car suite à l’analyse de la propagation du buzz sur les réseaux sociaux, des internautes commencent à se poser des questions :

Affaire The parisienne : Les internautes se posent des questions

Alors que les internautes demandent des explications, « The parisienne » ne répond à personne. Les messages de soutien se raréfient clairement après les 29/30 août.
Après l’effet Streisand, l’effet boomerang ?

 

7. Pendant ce temps, sur Twitter…

Certains continuent à s’interroger, sur le hashtag #jesuisparisienne, et interpellent tour à tour @zeparisienne et @Le_Parisien. Avec des infos et des interprétations présentant une toute autre lecture de l’affaire.

Ils présentent Nathalie Zaouati comme une froide professionnelle de la communication et des réseaux sociaux, manipulatrice et machiavélique.
Et l’accusent ouvertement d’avoir savamment orchestré ce buzz, qui profiterait à son agence d’e-influenceurs.

Une théorie intéressante, mais à laquelle laquelle peu d’internautes semblent sensibles, vu le peu de réponses…

A chacun de se faire sa propre opinion. L’historique complet est sur le hashtag #jesuisparisienne.

 

Il faudra sans doute attendre un moment avant de pouvoir démêler le fond de l’histoire, qui n’est peut-être pas aussi simple que « The Parisienne » nous l’avait présentée…

On espère que l’affaire trouve très vite une solution amiable, et qu’elle sera connue publiquement, ce serait la moindre des choses.
Même si pour beaucoup d’internautes semble-t-il, 8 jours c’est déjà de l’histoire ancienne.

A suivre…. (ou pas, on verra)

 

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Pour aller plus loin

– Que faire quand on reçoit un courrier d’avocat ?
Un billet de l’avocat blogueur maître Eolas, entre sérieux et humour.

– Le Copyright Madness
Ou les dérapages de la propriété intellectuelle, lorsque les titulaires de droits usent, et souvent abusent, de leurs prérogatives pour porter atteinte à des libertés fondamentales.

– Ce que #jesuisparisienne nous apprend sur la propagation des bad buzz
Article un peu technique mais passionnant, quant à la propagation de l’affaire sur Internet et les réseaux sociaux.

– Un article donnant une autre interprétation de l’affaire « The Parisienne »
Analyse méticuleuse tendant à démontrer que Nathalie Zaouati a parfaitement su utiliser son réseau pour se défendre, agissant dans l’intérêt de son agence, en concurrence avec les intérêts publicitaires du « Parisien ».

 

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Note

Entre le moment où j’ai commencé cet article (25 août) et celui où je l’ai fini (4 septembre, pour l’instant), le site www.boycott-illegal a disparu (?)

J’y avais trouvé quelques textes et un recueil de jurisprudence sur ce thème mal défini. Dommage. Et personne n’en parle, snif.